Les déséquilibres territoriaux de la Bretagne
Les géographes de Bretagne ont pris le pouls de la région, hier, à Lorient. Depuis deux décennies, elle vit un grand dérangement : les métropoles et les agglomérations menacent son unité.
Trois questions à...
Jacques Beauchard.
Sociologue et géographe, qui vient de publier L'architecture du vide, aux PUR.
L'ouest de la Bretagne est défavorisé ?
Oui, ce déséquilibre est-ouest existe. Mais il est à relativiser largement. Il existe beaucoup de formes de villes en Bretagne : les villes des 21 pays bretons, les villes maritimes, un bel ensemble relativement équilibré. Surtout au nord de la Bretagne. Elles ne doivent pas entrer en compétition, rien à voir avec Rennes-Nantes. La spécificité de la Bretagne, c'est cette eau, partout, fleuves, rivières, mers. D'où son bocage, ses villages, ses villes, ses réseaux qui lui ont donné, depuis des siècles, une structure et un maillage de villes et de pays cohérent et unique. Yves Lebahy et Loeiz Laurent ont beaucoup travaillé là-dessus. Ce maillage reste toujours d'actualité, même s'il est aujourd'hui très malmené. Le système des villes-rubans, le long des quatre voies, notamment au sud, détruit ou marginalise cette cohérence villes-pays.
Comment réagir ?
Il faut freiner la construction des lotissements. Et maîtriser ce que j'appelle les espaces transactionnels : ces espaces de réseaux, de flux et de transit. Ils se sont trop longtemps développés sans frein. Il faut désormais les intégrer à la ville. Et modifier profondément les Scot (schéma de cohérence territoriale). Ces instruments de mesure et de contrôle de l'urbanisation se construisent à partir de la ville-centre : en mesurant les navettes domicile-travail, ils contribuent à créer des 1e, 2e, 3e couronnes... et ne font qu'amplifier le phénomène du lotissement ! C'est aberrant. Il faut absolument les ramener à cette modeste dimension de la ville et de son pays. Sans oublier les centres des villes, qui sont en train de mourir. Si on laisse les centres mourir, c'est l'espace public, le lieu civique et, au bout du compte, la République qui meurent...
Et l'idée des métropoles ?
C'est une erreur, dans cet acte III de la décentralisation, de privilégier la métropolisation qui ne fait que courir derrière ce phénomène et l'amplifier... Il faut, au contraire, créer un niveau régional pour maîtriser ces espaces transactionnels. Et que la Région pilote seule ces ensembles de réseaux. Sans descendre plus bas, au niveau des villes ça n'aurait aucun sens. Tous les géographes sont unanimes là-dessus.
Christophe VIOLETTE.